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Le concept de ‘muscle gear’, une redéfinition du RFD vers un paradigme révolutionnaire.

Le concept de ‘muscle gear’, une redéfinition du RFD vers un paradigme révolutionnaire.

Non, ce n’est pas la suite du film Iron Man de Marvel, c’est encore mieux.

Voici la nouvelle publication du blog de K-LYF, dans laquelle nous avons décortiqué pour vous le dernier article de Bas Van Hooren et al. sur les implications des changements de l’architecture musculaire (terme anglais « muscle gear », faisant référence aux engrenages activés lors d’une contraction) et de l’angle de pennation lors d’une production de force maximale dans le moins de temps possible.

Pour les passionnés, je vous laisse en bas de page le lien vers l’article en question ainsi que d’autres travaux du même auteur. Je vous conseille de préparer un bon café avant de commencer la lecture, car cela va bien faire tourner vos neurones.

Chers lecteurs de K-LYF, en tant que membres d’une communauté de kinésithérapeutes soucieux d’acquérir de nouveaux savoirs, vous êtes en quête constante de moyens pour optimiser la rééducation de vos patients. Nous le savons bien !

Voilà l’intérêt de cet article, dont les connaissances ont déjà été digérées pour vous et elles sont prêtes à être appliquées dans votre pratique.

Intégrer ces concepts nous ouvre les portes à la compréhension des modifications de la disposition de l’architecture musculaire et de sa réaction mécanique aux différents types de contraction (un processus qui se déroule en moins de 200 millisecondes ! Gardez ce chiffre en tête, car nous savons aujourd’hui que la capacité de réactivité du système neuro-musculaire, et donc de répondre à un stimulus en moins de 200 millisecondes, est un des éléments clés que tout athlète de sport impliquant des changements de direction devrait maîtriser. Et la piézoélectricité des fascias y est étroitement liée. Nous y reviendrons plus tard). 

Mais avant de nous lancer dans ce voyage au cœur de l’architecture musculaire – muscle gear, je vous propose, si nécessaire, de faire un petit point sur les notions de base du fonctionnement du système musculaire.

Vous trouverez dans l’annexe de cet article un petit résumé à ce sujet. Sinon, si vous vous sentez à l’aise, n’hésitez pas à plonger dans cette lecture fascinante.

Alors, prêts ? Allons-y !

Objectif de l’étude : muscle gear et RFD

L’objectif de cette étude était d’examiner comment l’architecture musculaire (muscle gear) est corrélée avec la vitesse de développement de la force (RFD) lors de contractions dynamiques et isométriques des extenseurs du genou.

Vingt-deux coureurs masculins ont effectué des contractions dynamiques à accélération constante et des contractions isométriques à un angle de flexion du genou fixe. L’étude a mesuré in vivo la quantité de couple (torque), le RFD, l’épaisseur du muscle vastus lateralis, et la dynamique des fascicules intra-musculaires pendant la phase initiale (0-75 ms) de la contraction ainsi que pendant la phase finale (75-150 ms).

Aujourd’hui on sait que, même si les facteurs neuronaux influençant le RFD sont bien compris, le rôle de l’architecture musculaire (par exemple, l’angle de pennation et la longueur des faisceaux) ainsi que les propriétés mécaniques des tissus (par exemple, la rigidité, ou stiffness en anglais, des tendons et des fascias) dans le RFD sont moins clairs.

Certaines études ont suggéré que les changements dans l’architecture intra-musculaire provoquent des effets minimaux sur la variabilité du RFD, mais ces études se basent sur une modélisation à partir des contractions isométriques plutôt que sur des mouvements dynamiques. Donc en excluant un facteur clé : la pre-tension et ses effets sur la co-contraction et la transmission de la force.

Force RFD

La notion de stiffness

Premièrement, définissons le concept de stiffness de l’ensemble myo-tendino-fascial (le Dr. A. Pilat dirait plus simplement du système fascial dans sa globalité).

Le stiffness désigne la capacité des tissus, dans leur intégralité, à résister à la déformation lorsqu’ils sont soumis à une force. C’est donc une mesure de la capacité du tissu à l’anti-déformation, mais cette notion serait incomplète sans considérer aussi la capacité du tissu à retrouver sa forme initiale après avoir été étiré ou comprimé, lors de l’élasticité.

Formule mathématique : K = F/∆l
K c’est la rigidité du tissu
F c’est la force appliquée
∆l l’allongement du tissu.

Et c’est sur cette formule que la TMG (tensomyographie) se base pour établir le risque de blessure d’un sujet en évaluant son état de tensegrité.

(Si un jour vous aurez le plaisir d’échanger avec Arno et Nico à ce sujet, ils vous expliqueront que la tensegrité c’est l’intégrité des tensions et que cela dépend de l’activité électromyographique, sous forme de EMG, et l’activité cérébrale, sous forme de EMG, entendue comme les intentions du sujet).

Clairement, comme l’état de pré-tension qu’on verra tout de suite, le stiffness est modifiable. Pour rester synthétique et sans rentrer plus dans les notions de neurophysiologie et de biochimie, cette modification se réalise au travers de la mécanotransduction et de la dépendance du tonus du système autonome.

Simple non ? 

La notion de pré-tension

Beh, si tu as encaissé cette notion, la suivante sera facilement comprise.

La pré-tension ce n’est rien d’autre que le statut de tension préalable qui existe dans les muscles et les tendons (les fascias, les gars, les fascias !) avant toute contraction active ou mouvement.

Cela permet aux structures de rester prêtes à réagir rapidement et efficacement à des forces externes ou à des demandes de mouvement. Cette tension de base est cruciale pour la stabilité et la fonction car elle permet d’avoir une constante information proprioceptive, donc de contrôler les mouvements et faciliter la contraction via une bonne coordination intra et inter musculaire.

Et vu qu’il y avait une époque où il fallait très vite se casser avant de se faire bouffer par un lion, cette pré-tension est le résultat d’une optimisation de la capacité à répondre vite et efficacement à des stimuli externes en mettant les muscles dans une condition qui leur permettent de se contracter de façon « balistique ».

Tout ça est de nouveau géré par notre ami le système nerveux (à travers le fameux index de pré-activation neurale) et en fonction des capacités élastiques du système fascial (ça te parle ça maintenant non ?)

sport

L’étude de Van Hooren et Al : muscle gear et RFD

Avec ces notions plus claires je crois qu’on est désormais prêts.

On disait que les facteurs mécaniques qu’on vient d’élucider ont été souvent sous-estimés dans l’évaluation des composants clés d’un bon RFD.

Van Hooren et ses collaborateurs ne sont pas d’accord et défendent plutôt l’idée que les déformations dans la forme et la disposition des filaments, ainsi que les ajustements de l’angle de pennation et de la longueur des faisceaux, peuvent affecter significativement la fonction musculaire et influencer à la fois la force et la vitesse de contraction.

Et ils ont démontré avoir raison !

Par exemple, lors des contractions musculaires anisométriques (non isométriques), les faisceaux musculaires peuvent se raccourcir et grossir exerçant des forces latérales sur les faisceaux voisins et provoquant l’expansion de l’ensemble du muscle.

Cette expansion entraîne également une torsion des faisceaux et une augmentation de l’épaisseur, contribuant au changement de longueur musculaire et à l’augmentation de la vitesse de contraction. On parle alors d’une transmission de force transversale qui, via la mise en tension de l’ensemble du système myo-tendino-fascial, engendre une tensegrité optimale, grâce à l’énorme capacité piézoélectrique et élastique du système fascial, et donc permettant la propagation de l’énergie.

En effet, l’augmentation de la longueur musculaire et de la vitesse de contraction se produisent parce que l’expansion et la torsion des faisceaux modifient la géométrie du muscle, ce qui permet au muscle de se contracter plus rapidement et sur une plus grande longueur (en bref, cela revient à créer un état de pré-tension, chose que l’on cherchera à reproduire lors de la mise en place des exercices dans la partie pratique de cet article).

Ainsi, ces modifications structurelles permettent au muscle de s’adapter efficacement aux différentes demandes de force et de vitesse nécessaires durant les mouvements dynamiques.

Petite digression : la santé d’un système se mesure en fonction de sa capacité d’adaptation. Par conséquence, un excès de raideur ou un manque d’élasticité des tissus ne sont pas bénéfiques au bon fonctionnement de la contraction musculaire. Faut savoir s’adapter, les amis, c’est important !

Et cela nous amène au concept clé de cet article : il existe des différences dans la relation entre l’architecture musculaire au repos et le taux de développement de la force dans des conditions de contraction dynamique et fixe.

Cette différence peut s’expliquer grâce au concept de « rapport d’engrenage architectural » (dans l’étude, vous le retrouverez sous le terme « architectural gear ratio »), qui se réfère à la relation entre la vitesse de raccourcissement musculaire et la vitesse de raccourcissement du faisceau (ce dernier sera défini comme « intra-musculaire »).

Ce rapport peut être supérieur à 1,0 (en faveur du raccourcissement général de la structure musculaire, entendue comme unité myo-tendino-fasciale) sous diverses conditions de contraction et dépend de plusieurs facteurs, tels que la force produite, la vitesse à laquelle la force est produite et la rigidité du tissu conjonctif.

Une quantité de force modérée, une grande vitesse de production de force et une augmentation de la rigidité conjonctive sont des facteurs clés pour maintenir ce rapport favorable au raccourcissement musculaire sans modifier excessivement la longueur du fascicule.

Et la non-modification (idéalement, car il y a toujours des pourcentages de changement) de la longueur du fascicule intra-musculaire est essentielle pour utiliser davantage les composants élastiques du système myofascial, optimiser la performance (augmenter l’efficacité et réduire le coût énergétique) et diminuer l’usure articulaire.

C’est donc un élément central pour performer mieux mais surtout réduire le taux de blessure ! Et plus un système est capable de rester solide, plus il marquera la différence sur le terrain.

Il est hypothétique qu’une augmentation des angles de pennation au repos sera associée à des rapports plus élevés, ce qui permettrait un RFD plus rapide, important et essentiellement sécuritaire.

Un rapport plus élevé réduirait la vitesse de raccourcissement du faisceau, permettant ainsi une consolidation tensegritaire de l’unité myo-tendino-fasciale.

En outre, l’article montre que la relation entre l’angle de pennation au repos et à la fois le rapport du « muscle gear » et le RFD sera plus faible pendant les contractions isométriques que pendant les dynamiques, en raison des contraintes spécifiques à la contraction imposées aux changements de forme musculaire, car la condition de contraction isométrique limite la torsion physiologique du muscle.

muscle gear et rfd

Eh oui, bien-sûr qu’il y a des différences dans l’architecture musculaire entre les contractions concentriques et isométriques. Et ces différences ont été mises en évidence à deux moments différents dans l’étude : 0-75 ms et 75-150 ms après le début de la contraction.

muscle-gear-RFD

https://youtu.be/EtqbzwpdqlI

Quelques exemples d’exercices pour jouer avec le RFD

Explications

1. Comparaison de la production de force

À 75 ms après le début de la contraction, les contractions concentriques ont montré des augmentations plus importantes de l’épaisseur musculaire et de l’angle de pennation par rapport aux contractions isométriques. Cette différence est attribuée au changement majeur dans la longueur de l’unité myo-tendino-fasciale lors des contractions dynamiques, par rapport au changement plus petit dans la condition isométrique.

2. Effets sur la structure musculaire

Le raccourcissement de l’unité myo-tendino-fasciale était plus important pendant les contractions dynamiques et a facilité une vitesse de raccourcissement du fascicule plus élevée, entraînant un rapport de « muscle gear » architectural plus élevé. Néanmoins, le RFD était plus lent dans les contractions dynamiques en raison de la plus grande vitesse de raccourcissement du fascicule, ce qui réduisait le taux de production de force.

3. Comparaison à la fenêtre temporelle de 75-150 ms

De 75 à 150 ms, la production de force et le RFD étaient plus élevés dans les contractions isométriques. Malgré des changements plus importants dans l’angle de pennation, la vitesse de raccourcissement du fascicule et le rapport du « muscle gear » dans les contractions dynamiques, le changement d’épaisseur musculaire ne différait pas entre les types de contraction.

Cela pourrait être dû à une augmentation de la production de force transversale exercée par les fascicules, limitant les changements spatiaux dans l’épaisseur musculaire totale pendant les contractions fixes.

4. Modulation de l’architecture musculaire

Des études précédentes examinant les contractions isotoniques à extrémité fixe ont observé des diminutions des rapports d’engrenage avec l’augmentation de la force musculaire.

En accord avec ces observations, les auteurs ont également trouvé des rapports réduits dans les deux conditions de contraction dans la fenêtre temporelle plus tardive de 75–150 ms, lorsque la production de force était plus élevée et le RFD plus bas que de 0–75 ms.

Ces observations soutiennent davantage la notion que le « muscle gear » est modulé inversement par le niveau de génération de force. Cela signifie que les ajustements dans la structure interne des muscles sont influencés par la quantité de force que le muscle produit.

Lorsque la force est élevée, les ajustements dans cette configuration tendent à diminuer, et vice versa. C’est une relation inverse : plus la force est grande, moins il y a besoin de modifications dans l’engrenage architectural pour soutenir cette force.

Cette idée peut être due au fait que lorsque les muscles produisent une grande force, ils opèrent de manière plus efficace, minimisant le besoin de modifications structurelles supplémentaires, à condition que l’unité myo-tendino-fasciale soit capable de supporter cette force et donc d’empêcher sa déformation.

Conclusion : Muscle Gear et RFD

Tous ces résultats montrent que la rigidité passive des tissus conjonctifs intra- et extra-musculaires sont susceptibles d’influencer l’ampleur du « muscle gear » et d’affecter le RFD. Et la bonne, et en même temps mauvaise nouvelle, c’est que la rigidité des tissus peut changer.

Positivement avec l’entraînement (á travers le phénomène de mécanotrasduction) et négativement avec le vieillissement, la désuétude ou les blessures. Bien évidemment, une majeure raideur pourrait donc influencer positivement la performance contractile en modifiant l’ampleur de cet effet.

Et l’incrémentation de cette raideur ira s’associer à une augmentation physiologique (une adaptation) de l’angle de pennation qui va également améliorer le taux auquel la force peut être développé grâce à son effet sur le rapport du « muscle gear ». Le tout grâce à la présence d’un état de pré-tension optimale dans l’ensemble des structures.

En conclusion on peut établir que, dans le domaine de la performance sportive, l’importance de la rigidité des tissus conjonctifs qui entourent et intègrent les muscles est souvent sous-estimée. Cette rigidité, qui peut être interne aux muscles externes, ou même épimusculaires, joue un rôle crucial dans la transmission de la force depuis un point de vue mécanique.

Elle influence non seulement la capacité maximale du RFD, mais aussi la puissance, la cinétique, le tonus et la réactivité musculaire. Ces découvertes enrichissent notre compréhension des mécanismes sous-jacents de la performance musculaire et offrent aussi des pistes pour optimiser l’entraînement et la réhabilitation physique.

Alfredo Del Giudice

Autres sources :

NSCA STRENGHT AND CONDITIONG PRINCIPLES

F. BOSCH RUNNING BIOMECHANICS

F.BOSCH STRENGHT TRAINING AND COORDINATION

ARTICLES DE BAS VAN HOOREN :

https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/sms.14639

https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/sms.14158

https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/28640774/

https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/28737611/

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